Dans les années 80 en Charente , le partage de l'eau est devenu particulièrement conflictuel du fait du développement simultané de l'irrigation et de nouveaux usages de l'eau, sportifs, touristiques et résidentiels, relayant les revendications environnementalistes ainsi que celles des acteurs de l'eau potable et de la pêche. La proximité géographique autour du bien commun que constitue l'eau au sein d'un même bassin versant est alors créatrice de deux types d'effets négatifs, liés aux limites quantitatives de la ressource prélevée - qui sont reflétées par la sévérité des étiages -, et à la pollution agricole des cours d'eau. Au milieu des années 90 est expérimenté un dispositif de gestion concertée, la Gestion Volumétrique, associant, par sous bassin, l'ensemble des acteurs de l'eau autour de systèmes de restrictions des volumes d'irrigation en fonction de l'observation de l'état du milieu . Se met ainsi en place une série de mesures localisées, organisant l'équilibre entre demande en eau et ressources par sous bassin. Dans quelle mesure ce dispositif de coordination des acteurs permet-il une réappropriation des interdépendances de proximité subies dans une nouvelle forme de proximité organisée ? Nous avons tenté de répondre à cette question en nous fondant sur une approche sociologique reposant sur la restitution et la confrontation des discours issus d'une quarantaine d'entretiens effectués avec les divers acteurs de l'eau. Cette enquête permet de développer deux points. La distinction entre logique d'appartenance et logique de similitude constitue d'abord une grille de lecture éclairant la nature et les limites de la proximité organisée instaurée par la GV. Si celle-ci instaure de nouveaux lieux de concertation, de nouvelles règles pratiques et de nouvelles connaissances partagées - diffusion de données officielles sur l'état des cours d'eau et sur les prélèvements agricoles -, nous montrerons qu'elle échoue en revanche à rapprocher les acteurs autour d'une même représentation d'un juste partage de l'eau, réactualisant plutôt des oppositions de fond quant au développement souhaitable de l'agriculture irriguée . Par ailleurs, l'ajustement du dispositif aux spécificités locales (hydrologie, superficies irriguées, exigences du milieu) par des règles différenciées d'accès à l'eau (quantité, prix), crée de nouvelles tensions liées à des sentiments d'iniquité entre irrigants de sous bassins voisins. Ce cas d'étude suggère alors combien le rapprochement des usagers « concurrents » de l'eau selon un principe de coopération territoriale est conditionné par l'intégration et la transformation des proximités sectorielles préexistantes. L'organisation de la proximité doit ainsi être évaluée en référence à une reconfiguration générale des positionnements relatifs des groupes concernés, qu'une étude sociologique est à même de mettre en évidence. On montrera ici comment se redéfinissent les solidarités sectorielles et territoriales en pointant d'une part la permanence d'une proximité entre élus locaux, administrations et irrigants autour d'un discours sur la rentabilité de l'irrigation, qui circule au sein même des instances de concertation de la GV , et d'autre part la cristallisation d'un discours opposé refusant toute création de nouvelle ressource d'irrigation (réserves), porté par des associations et des agriculteurs minoritaires restés extérieurs à la GV.