Le monde associatif et particulièrement celui de l'éducation populaire est un terrain très fécond pour étudier les organisations et la façon dont les individus s'y impliquent. L'absence de but lucratif complexifie les modes de régulation qui sont en œuvre car les décisions convoquent à la fois les finalités et les valeurs de l'organisation, tout en étant influencées par des contextes politiques et économiques. La coexistence à l'intérieur des associations de plusieurs types d'acteurs bénévoles, salariés, administrateurs renforce cette complexité. À l'image des changements des modes d'engagement bénévoles qui ont été pointés à l'échelle sociétale , il existe de fortes fluctuations des modalités d'implication des différents acteurs dans une association au cours de la vie de celle-ci. Nous postulons que les modes d'engagement des membres d'une association sont en constante interaction avec la façon dont elle se développe, et que ce sont notamment ces changements qui font que la coexistence entre bénévoles et salariés est souvent empreinte de tensions . L'objectif de ce travail est de montrer comment les différentes phases que traverse une association influencent la nature et la force de l'engagement de ses bénévoles. La transformation sociale qui résulte de la naissance d'une association est généralement portée par une grande énergie résultant des engagements individuels. En effet, le projet associatif résulte de l'identification d'un manque, qui constitue pour les individus une opportunité d'exercer leur agentivité personnelle au service de valeurs et de buts qui sont fortement investis, avec l'attente de résultats visibles qui ont une forte valeur incitative. De plus, le fait que des individus co-élaborent un projet pour satisfaire un besoin nouveau (ou le faire émerger) produit du sens, et donc une adhésion à des valeurs qui entraînent une fort engagement militant. L'action librement mise au service de ces valeurs renforce les attitudes et croyances qui la sous-tendent, et ce de manière favorable au développement de l'action de l'association. L'activité de l'association qui résulte de cet engagement collectif a pour conséquence un besoin de structuration et/ou d'expertise, auquel la plupart des associations répondent par ce qu'elles appellent communément la professionnalisation plutôt que par l'externalisation. Cette professionnalisation influence l'implication bénévole et réorganise l'investissement des administrateurs dans la gouvernance associative, de par la technicité supplémentaire qu'elle requiert. La professionnalisation se traduit aussi par des contraintes plus fortes en termes de financements et de sécurisation de ceux-ci : Les salariés vont être ainsi amenés à générer de l'activité supplémentaire. L'augmentation du volume d'activité de l'association et sa plus grande prise en charge par les salariés amènent à une diminution pour les bénévoles de la visibilité de leur action à l'intérieur de l'association, du sentiment d'agentivité qui en résulte, et modifie ainsi leur engagement. Ces modifications du rapport des bénévoles à l'activité peuvent aller jusqu'à les mettre dans une situation de simples usagers venant consommer une part de leur temps libre auprès d'associations offrant des " services ". Le propos de cette communication utilisera principalement l'analyse de la trajectoire d'une association d'action culturelle agréée d'éducation populaire (et se revendiquant héritière de celle-ci), que viendront conforter divers exemples d'autres associations culturelles. À partir des témoignages recueillis à l'occasion d'un séminaire de réflexion sur le projet associatif parmi les différents types d'acteurs impliqués dans la vie de cette association ('simples' bénévoles, administrateurs, salariés, artistes partenaires, élus du territoire d'action) nous analysons les contributions respectives des différents acteurs dans la gouvernance de l'association, autant dans les décisions concernant l'administration que dans l'évolution du projet associatif lui-même. Cette analyse permet d'esquisser un modèle des changements des modes d'engagement avec la trajectoire de développement des associations qui permet de prédire les lieux potentiels de conflits et de tension. Ce modèle sera remis en perspective vis-à-vis de problématiques qui traversent le champ associatif et particulièrement celui de l'Éducation Populaire, celles de l'engagement, de la militance, et du renouvellement des instances dirigeantes.