La finance comportementale remet en question, deux hypothèses fondamentales de la théorie des marchés efficients, d'une part la rationalité des investisseurs, d'autre part l'absence d'opportunité d'arbitrage. S'agissant de la rationalité, les investisseurs individuels sont sujets à des biais cognitifs, qui modifient et leurs croyances (anticipations) et leurs préférences (attitude vis-à-vis du risque). Quant à l'absence d'opportunité d'arbitrage, elle se heurte à des contraintes structurelles et institutionnelles. On peut alors conjecturer que les investisseurs collectifs que sont les fonds de pension puissent être soumis à des biais cognitifs différents des investisseurs individuels. Ils n'acquièrent pas l'information au même coût, ils disposent d'une capacité supérieure de traitement de cette information, ils n'ont pas les mêmes préférences que leurs mandants, ni les mêmes contraintes de gestion. Dans la plupart des travaux existants, la finance comportementale s'intéresse au comportement individuel. L'accent est mis sur les actions des agents sur les marchés financiers et peu sur les équilibres, même si ces équilibres sont la conséquence d'actions. La finance comportementale considère des investisseurs isolés (et les expériences qu'elle mène portent sur des individus). Or les fonds de pension sont des organismes, composés d'individus aux intérêts divergents (sponsor, manager, société de gestion déléguée, salariés, retraités) et donc soumis à des relations d'agence. Ces relations d'agence sont susceptibles d'infléchir leur comportement, dans le sens d'un amoindrissement ou d'un renforcement des phénomènes mis en évidence par la finance comportementale pour des investisseurs individuels. En tant qu'investisseurs institutionnels, ils peuvent avoir accès à des informations privées. Ils peuvent également exercer un activisme (i.e. influencer les performances des titres des sociétés dans lesquelles ils investissent). Dans cette contribution qui présente une revue de littérature, nous défendons la thèse selon laquelle, dans leur allocation statégique, les fonds de pension ont des comportements "anormaux" qui sont le reflet des individus dont ils sont les mandataires. En revanche, dans l'allocation tactique, les fonds de pension ont des biais comportementaux qui sont le reflet des relations d'agence auxquelles ils sont soumis.