Depuis 1920, le prix des actions en France, comme partout dans le monde, a connu d'importantes variations. Leurs conséquences dommageables sur l'activité économique réelle ont conduit à s'interroger sur le rôle des banques centrales, et à se demander si ces dernières ne devaient pas prendre en compte le prix des actifs financiers dans leurs objectifs. Mais à quelle valeur de référence peuvent-elles comparer le prix effectif des actions ? Nous proposons comme benchmark une modélisation du prix du capital, dépendant du partage de la valeur ajoutée et de la productivité apparente du capital (les variables fondamentales), et faisant des profits agrégés la composante essentielle du prix des actions. Le prix réel des actions dépend alors de l'actualisation du taux de rendement réel du capital (le profit réel d'une unité de capital), c'est-à-dire le produit du taux de marge et de la productivité. La stabilité en longue période des variables fondamentales et leur comportement " markovien " permettent d'écrire que le prix réel du capital est une fonction linéaire du profit réel courant. Dans la longue période, le prix réel du capital définit une constante, le prix naturel du capital, dont il ne peut s'éloigner en courte période que si les fondamentaux s'écartent eux-mêmes de leurs valeurs de longue période. Nous confrontons la valeur observée d'un indice du marché français à sa valeur fondamentale décrite par le modèle. Des écarts importants sont observés, attestant que les variables fondamentales, si elles ont un effet significatif sur le prix du capital, n'expliquent pas la majeure partie de ses variations. Nous observons que le marché français est soumis à des cycles longs, dont la durée se mesure en décennies, et dont les bulles spéculatives ne constituent que la partie la plus visible. Le marché français aurait connu trois de ces cycles depuis 1920, la naissance du cycle actuel remontant au début des années 80. Durant ces cycles, le prix des actions connaît une phase d'appréciation, associée à une valorisation excessive du prix des actifs au regard des profits, puis une phase de baisse associée à la correction et à la sous-évaluation. L'importante volatilité des prix par rapport aux fondamentaux produit une estimation très variable du prix naturel du capital. L'incertitude entourant l'estimation de cette constante de longue période (son intervalle de confiance à un niveau de 95% varie du simple au double), en dépit de l'utilisation d'une chronique longue d'un siècle, démontre qu'il n'est guère possible d'estimer de façon fiable la valeur fondamentale des actions. La durée des cycles interdit par ailleurs d'attribuer les écarts de prix à des erreurs d'appréciation temporaires des agents. A moins de croire que les agents puissent se tromper durablement, des mécanismes déstabilisateurs puissants, liés au crédit et à l'endettement, sont certainement à l'origine de ces cycles. Toute politique monétaire à destination des marchés financiers, qui ne corrigerait pas les déséquilibres liés au crédit et à l'endettement, ne produirait sans doute que des effets temporaires sur le prix des actifs, le symptôme persistant si la cause demeure.