Les réformes du système de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR) en France se sont accélérées depuis 2006 et ont produit une série de dispositifs, institutionnels, juridiques, financiers, conçus au niveau national, - PRES, RTRA, Pôles de compétitivité, loi LRU, Plan Campus, Initiatives d'excellence -, qui ont pour but explicite de remodeler le paysage universitaire, dans ses structures mais également dans ses stratégies, ses activités et ses fonctionnements. Mais, parallèlement, la reconfiguration du système ESR devient un objet d'intérêt pour d'autres acteurs publics que les tutelles nationales, à un niveau régional et infra-régional. Les Collectivités territoriales se veulent en effet, de plus en plus, des acteurs importants du développement universitaire, qu'elles voient comme un levier dans leurs stratégies de développement économique territorial. Comment, dans ces conditions, les établissements universitaires et leurs membres jouent-ils de la multitude des dispositifs mis à leur disposition, et des intérêts variés, parfois antagonistes, des acteurs publics qui les entourent de leur sollicitude ? Comment leurs stratégies en sont-elles impactées ? Autrement dit, on peut se demander si les grandes réformes nationales suffisent à imposer des cadres incitatifs ou contraignants pour que les schémas mis au point au niveau national prennent effet de manière uniforme sur les territoires, ou si celles-là ne constituent que des cadres suffisamment plastiques pour qu'y soient intégrés d'autres intérêts et d'autres logiques, propres aux territoires, et à ses acteurs. Mais on peut également renvoyer dos à dos ces deux explications en se demandant si l'évolution du système ESR français, à court et moyen terme, n'est pas mû par des logiques internes plus puissantes que les injonctions et les incitatifs des tutelles nationales et des collectivités territoriales. A travers ces questions, c'est le problème de l'impact de " réformes " nationales et des modalités de pilotage du système universitaire, qui est posé. Mais ce sont aussi les questions plus générales de la territorialisation de l'action publique, et des conditions d'une gouvernance multi-niveaux, qui sont explorées. On s'appuie sur deux types de matériau empirique : d'une part, une étude menée en 2008 sur l'articulation entre trois types de dispositifs (PRES, RTRA, Pôles de compétitivité), sur quatre régions françaises ; d'autre part, une mission d'accompagnement de l'élaboration du schéma stratégique à 10 ans d'une université moyenne, conduite en 2010 à la demande des collectivités territoriales concernées. En termes de résultats, on montre la diversité des configurations issues des grandes réformes nationales, et on tente d'en présenter les facteurs explicatifs. Les pratiques constatées sont confrontées aux objectifs initiaux de la politique nationale. Néanmoins, malgré l'écart entre une réalité territoriale diversifiée et une vision politique qui a sous-tendu la mise en place des réformes, apparaît le caractère structurant des nouveaux dispositifs, notamment des PRES, qui est mis en évidence sur un cas empirique. Finalement l'autonomie des universités ne peut se déployer qu'à l'intérieur de ces cadres, ce qui était l'objectif recherché initialement, mais les établissements sont-ils toujours en mesure d'utiliser cette marge de manœuvre ?