French Abstract: Qu’est-ce que la « propriété intellectuelle » ? Si les réponses à cette question foisonnent, il semble qu’aucune n’ait radicalement répondu de manière à défricher le terrain qui la sous-tend : quel est le véritable être-en-soi de la « propriété intellectuelle » ? C’est ce que cet article tente de cerner. Il n’est pas étonnant que dans ce désert, l’une des définitions les plus prometteuses que l’on rencontre soit celle qui affirme que parler de « propriété intellectuelle » est un « séduisant mirage ». Le flou nimbant cette métaphore encourage, à travers une analyse textuelle dans la première partie de cet article, à développer les problématiques qu’elle soulève et à s’interroger sur la genèse de cet être fantasmagorique et composite à l’apparence pourtant bien réelle. La seconde partie s’efforce donc de labourer l’ensemble des champs juridiques, institutionnels, historiques, législatifs, philosophiques, théoriques et économiques. Cette longue étude bibliographique confirme que la « propriété intellectuelle » a effectivement réussi à imposé l’unification de divers droits – droits d’auteurs, brevets, marques, dessins et modèles, etc. – malgré toutes leurs disparités. Somme toute, le seul point commun les rassemblant s’avère être justement qu’ils soient tous raccrochés à la bannière de la propriété. Toutefois, cette caractérisation en termes de propriété se révèle on ne peut plus contingente et, au final, portée par un unique objectif de marchandisation qu’ont poussé des acteurs juridiques et industriels. Puisqu’il ressort que ce n’est qu’en tant qu’objet économique que la « propriété intellectuelle » est susceptible d’être appréhendée, la troisième et dernière partie de cet article pénètre le monde merveilleux de l’économie pour tenter d’en dégager les lois spécifiques grâce auxquelles surgit l’être chimérique de la « propriété intellectuelle ». La théorie critique de l’économie de la « propriété intellectuelle » avancée établit ainsi qu’en objectivant le travail créatif purement intellectuel au sein de chaque exemplaire de marchandises englobantes, cette réification opérée par la « propriété intellectuelle » permet de considérer les fruits de ce travail comme étant eux-mêmes des marchandises. Mais il ne peut s’agir alors que de pseudo-marchandises, de marchandises imaginaires n’incarnant aucune véritable valeur, seulement de la valeur imaginaire, de la pseudo-valeur. Enfin, le modèle économique ainsi dégagé fait apparaître la véritable nature de la « propriété intellectuelle », son être-en-soi, qui réside avant tout dans un arrachement, une séparation, une abstraction. Et celle-ci s’exerce avec une telle violence – se moquant de toute personnalité jusque dans son intégrité pour ne considérer que des objets qu’elle doit contraindre par la force à se soumettre à sa domination –, que le titre de cet article s’en trouve pleinement justifié : la « propriété intellectuelle » est un viol