Des appareillages électriques, en passant par les bilans comptables jusqu'aux technologies de l'information et de la communication, rares sont les secteurs économiques qui ne soient pas soumis à des normes dites techniques. Les normes techniques, dont les normes ISO sont certainement les plus connues (notamment ISO 9000 et 14000), sont des standards de production qui ont pour but d'améliorer la qualité, la sécurité ou la comptabilité de biens et de services. De fait, si ces normes passent souvent pour un objet obscur et complexe engageant les quelques initiés des domaines concernés, elles n'en demeurent pas moins un véritable processus de régulation économique à l'échelle mondiale. Le terme ISO est polysémique puisqu'il désigne aussi bien l'organisation internationale (International Organization for Standardization) au sein de laquelle sont adoptés les standards que les normes elles-mêmes. Créée en 1946, à la suite de la Fédération internationale des associations nationales de normalisation, l'ISO présente une structure fédérative regroupant les agences nationales de 148 pays. Le nombre impressionnant de normes publiées (13 700 depuis 1947) tend à attester de l'importance de ces dispositions pour les secteurs économiques concernés. A l'heure des débats sur la mondialisation, il peut être intéressant de se pencher sur une entreprise de régulation internationale qui, loin de réactiver des oppositions classiques (libéralisme économique contre régulation ou intérêts privés contre autorité publique), semble, au contraire, réaliser un syncrétisme original. Les politiques de normalisation internationale mettent en relation une multitude d'acteurs publics et privés : organisations internationales, administrations nationales, agences, centres de recherches, entreprises, associations, etc. Cette diversité d'acteurs n'épuise cependant pas la notion de politique publique, mais incite à la concevoir sous un nouveau jour, qui soit susceptible d'en faire ressortir tant l'originalité des formes que la portée effective dans les cas qui nous intéressent. Dans la contribution sans doute un peu trop dense que nous présentons ici, nous aimerions à la fois interroger les entrées classiques d'analyse de ces politiques, et proposer une démarche d'analyse un peu différente, basée sur l'idée de format empruntée à Rémi Barbier, et de monopolisation des formats. Ce cadre d'analyse permet de saisir à la fois les modalités d'élaboration des prescriptions et la mise à l'épreuve de ces prescriptions dans les situations de travail qui les opérationnalisent.