Le processus d'appauvrissement des classes moyennes en Haïti et ses conséquences économiques et sociales
Le mouvement social en Haïti pâtit depuis plusieurs décennies de l’absence d’un acteur majeur, les classes moyennes, dont l’appauvrissement et le déclin sont en train de donner naissance à d’importantes mutations sociales, économiques et politiques dans ce pays. L’action combinée des politiques néolibérales appliquées en Haïti et la récurrence des catastrophes naturelles ont conduit à la décapitalisation et à l’appauvrissement des classes moyennes. Le déclin des classes moyennes a facilité l’accès des élites économiques au contrôle des institutions étatiques. Ceci a contribué à délégitimer l’Etat aux yeux des populations, à réduire considérablement l’influence des classes moyennes dans la définition de politiques publiques et à faire reculer le mouvement social. L’objectif de cette étude est d’analyser les causes de l’affaissement des classes moyennes d’ancienne souche et ses conséquences sur la dynamique sociale et économique qui avait été enclenchée à la chute de la dictature des Duvalier en 1986. Elle est structurée de la façon suivante. Dans un premier temps, nous ferons un bref rappel des approches de la classe moyenne. On comprendra que les caractéristiques des classes moyennes ainsi que les stratégies qu’elles ont adoptées portent les marques du système politique ainsi que les transformations de l’ordre économique qui ont été en vigueur au cours du long XIXème siècle haïtien. Dans un deuxième temps, on abordera la situation de ces classes au cours de la période contemporaine en prenant en compte les mutations qu’a connues la société haïtienne au cours des trois dernières décennies, mutations qui expliquent pourquoi ce groupe social est confronté aujourd’hui à un processus d’affaissement qui a tout l’air d’être irréversible. Dans un troisième temps, nous analyserons les conséquences de cet affaissement sur la société haïtienne et sur ses capacités à renouer avec un projet de réforme politique, économique et sociale.