Dans les économies modernes, il est communément admis que la valeur économique d’une entreprise reflète, pour une grande part, celle de ses actifs immatériels représentés par les brevets, par les marques, par la réputation ou par le capital organisationnel. Parallèlement, confrontés à l’explosion des investissements en immatériels, les systèmes de représentation comptable de l’entreprise, qui reposent fondamentalement sur le « principe transactionnel » (toute « reconnaissance » en comptabilité étant conditionnée par la réalisation d’une transaction ou d’un regroupement) éprouvent de plus en plus de difficultés à traduire ce phénomène. De ce fait, quels que soient les référentiels normatifs (nord-américain, britannique, français ou international), les investissements immatériels sont partiellement ou imparfaitement traduits dans les états financiers, rappelant que la fiabilité de l’information est souvent privilégiée aux dépens du critère de pertinence pour la prise de décision. Ce biais de reporting, qui affecte la communication financière, renvoie à la façon dont les marchés appréhendent l’investissement immatériel comptabilisé.Une étude récente (Casta JF. et Ramond. O. (2005), « Investissement immatériel et utilité de l’information comptable : étude comparative des marchés financiers britannique, espagnol et français », cahier de recherche du CEREG n° 2005-07, Université Paris Dauphine), réalisée sur trois places financières de l’Union Européenne (Paris, Londres et Madrid), met en question certaines idées reçues. Dans la lignée des travaux se proposant de tester la pertinence de l’information comptable pour le marché (value relevance), les auteurs mettent empiriquement en évidence l’impact négatif à court terme (période de 5 années) de l’investissement immatériel sur la performance financière, mesurée par le rendement du titre. Se référant à une acception large du concept d’investissement immatériel — englobant la R&D, les investissements en marques, enseignes, brevets, ... ainsi que le goodwill — cette étude repose sur un échantillon de plus de 1 500 sociétés cotées britanniques, espagnoles et françaises, analysé sur la période 1993-2003. Les résultats montrent que les investisseurs tendent à adopter une vision « myopique » en matière de placements, privilégiant la recherche de la rentabilité à court terme dans le processus de construction de leur portefeuille. Ils pénaliseraient ainsi, sur le court terme, les sociétés signalant, dans leurs états financiers, des investissements immatériels élevés, ceux-ci n’engendrant qu’une amélioration éventuelle du niveau de profitabilité à moyen, voire à long terme. D’autres études basées sur des sociétés cotées à New York (NYSE) ont récemment observé ce phénomène de sous-évaluation par le marché des investissements immatériels.