Perspectives ethnologiques dans les organisations modernes

A partir d'enquêtes effectuées dans une entreprise automobile française et dans une mairie argentine, ce texte propose une caractérisation ethnologique de l'activité humaine dans les grandes organisations modernes. Une entreprise ou une administration pose pour ses membres un cadre spécifique d'activité (locaux, instruments de travail, statut et segmentation des agents, hiérarchie...) ; ces logiques de différenciation du personnel et de répartition des tâches sont en principe gouvernées par la correspondance des fins et des moyens ; cette relative transcendance des finalités officielles donne un fondement à l'exercice de l'autorité. Toutefois, les « êtres totaux » que sont les membres de l'organisation peuvent aussi y mobiliser d'autres facettes de leur identité ; ils réalisent en définitive un « bricolage » imaginatif à partir des éléments organisationnels — matériels ou symboliques — qui sont à leur portée ; on relève l'importance des pratiques de mobilisation du symbolique et de l'imaginaire, mises en œuvre par des membres investis ou non de l'autorité officielle. Les grandes organisations apparaissent ainsi comme un terrain prometteur pour l'investigation ethnologique ; comme dans l'étude des objets plus « traditionnels », il ne s'agit pas d'appréhender la totalité de la société, mais « d'y discerner des niveaux qui soient comparables, et deviennent ainsi significatifs » (Lévi-Strauss 1958 : 100).