Rente naturelle et institutions. Les Ressources Naturelles : Une « Malédiction Institutionnelle » ?
Depuis les travaux de Sachs et Warner (1995), la littérature de la malédiction des ressources naturelles identifie un effet négatif de la dotation naturelle sur les performances économiques des pays. Un des mécanismes mis en avant est celui de la mauvaise qualité institutionnelle, les ressources naturelles empêcheraient le développement de « bonnes » institutions favorables au développement économique. Cet article apporte deux éléments au débat. Tout d'abord, il propose une analyse aussi exhaustive que possible des mécanismes reliant ressources naturelles et qualité institutionnelle. Au-delà de la corruption et des comportements de prédation souvent traités dans la littérature, nous analysons le rôle de l'héritage colonial, celui des guerres civiles et de l'instabilité politique, celui des institutions politiques et celui de l'efficacité publique (surtout en termes d'insuffisant développement du système fiscal) et celui des politiques économiques. Dans un deuxième temps, nous procédons à une étude empirique des déterminants de la qualité institutionnelle sur la période 1990-2004 en nous inspirant de l'étude de La Porta et al (1998). Les ressources naturelles sont mesurées par la rente qu'elles génèrent (et non par les exportations comme c'est généralement le cas) et nous distinguons les ressources concentrées (hydrocarbures, minerais, cultures de plantation) et les ressources diffuses (riz, blé, forêt). On montre que, quel que soit l'indicateur institutionnel utilisé, les ressources naturelles concentrées agissent de façon négative sur la qualité institutionnelle. En revanche, les ressources diffuses n'ont généralement pas d'effet significatif (ou alors généralement positif). Les pays les plus pauvres, ceux situés près de l'équateur, ceux disposant d'une forte proportion de catholiques et de musulmans ainsi que ceux ayant une origine légale civile (française) ou socialiste tendent à avoir de moins bonnes institutions (La Porta et al, 1998). En revanche, la fragmentation ethnique n'est pas significative.