Trois approches néo-institutionnelles du développement dans le monde musulman : D.C. North, A. Greif, T. Kuran.
North (2005) attribue l'échec économique du monde musulman aux institutions et à leur incapacité à promouvoir l'adaptation à l'environnement et l'innovation. Il fait remonter cet échec au moyen âge tardif, aux Xe-XIIIe siècles. Pour sa démonstration, il s'appuie sur les travaux d'Avner Greif et Timur Kuran. Le premier, met en œuvre les notions opposées d'échange personnel/impersonnel, de relations formelles/informelles d'échange. Il aborde le changement institutionnel comme un phénomène endogène à la communauté, fondé sur les comportements individuels, et utilise la théorie des jeux pour le modéliser, dans une démarche se rapprochant de celle de Aoki (2001). Tandis que North et Kuran privilégient une approche globale ou systémique. North s'inscrit dans le temps long de l'histoire de l'humanité qu'il traite à l'échelle planétaire. Il intègre la culture à travers les notions de ‘croyance comportementale' et d''héritage cognitif'. Ces trois auteurs partagent le projet de décrire et expliciter le lien entre culture et développement économique, ainsi que la méthode de comparaison historique. Ils convergent dans leur tentative de définir un cadre conceptuel rigoureux pour l'analyse institutionnelle du développement économique. Cependant, leurs démarches sont très différentes, de par les cadres analytiques qu'ils construisent et les résultats auxquels ils aboutissent. Nous nous attachons à décrire et comparer ces trois démarches. Nous les interrogeons du point de vue de l'état des connaissances historiques et de l'analyse institutionnelle comparée du développement. Nous réfléchissons enfin aux perspectives d'approfondissement : en intégrant l'idée d'une diversité institutionnelle constitutive de l'histoire ; en proposant, au lieu d'une approche en termes de performance économique (évaluée à travers le taux de croissance du PIB, ce qui pose problème à une telle échelle historique), une caractérisation plus complexe et nuancée de la marche des économies et des sociétés.