Des investissements colossaux ont été réalisés dans le domaine des technologies de l'information (TI) depuis une trentaine d'années sans que ni praticiens ni chercheurs puissent se mettre d'accord sur leur rentabilité et leur efficacité. Pour la plupart des auteurs, la contribution des TIC est positive, mais pour certains elle est nulle, voire négative (Warner, 1987). Cette contribution est-elle directe ou indirecte ?Pour expliquer cette inconsistance des résultats obtenus, un courant théorique nous paraît plus particulièrement adapté : celui de la « théorie de la ressource » (Penrose, 1959; Clemons et Row, 1991; Mata, Fuerst et Barney, 1995; Powell et Dent-Micaleff, 1997; Bharadwaj, 2000; Duhan, Levy et Powell, 2001; Spanos et Lioukas, 2001; Levina et Ross, 2003). Nos questions de recherche sont les suivantes : 1. Les capacités du système d'information (SI) influencent-elles directement les compétences clés, l'avantage concurrentiel (AC) et les performances de la firme ?2. Les capacités SI, combinées à des capacités complémentaires (humaines notamment), influencent-elles indirectement les compétences clés, l'AC et les performances de la firme ?3. Si oui, comment, par quels processus et quelles combinaisons de capacités complémentaires plus particulièrement ?4. Si oui, pourquoi ?Face à la variété de modèles et variables possibles, nous choisissons de réaliser une recherche qualitative par étude de cas approfondie dans le domaine de l'assurance vie en France.Un codage "indigène" des données et une analyse par voies de matrices nous amènenet aux résultats suivants. 1. Les ressources humaines sont l'origine et le moteur directs de la création et du développement des capacités de l'entreprise. 2. Les ressources humaines sont un ingrédient essentiel dans la constitution des compétences clés. 3. L'effet des capacités sur les compétences clés est considérablement amplifié par l'utilisation qui est faite des capacités SI. Sans celles-ci, l'effet des capacités serait beaucoup plus faible et l'avantage concurrentiel n'aurait pas pu être créé. Le SI joue donc un rôle démultiplicateur essentiel. 4. C'est la combinaison de six capacités différentes, pas seulement des capacités humaines et SI, qui crée les quatre compétences clés de la firme et ainsi l'avantage concurrentiel. 5. Le modèle d'AE s'avère beaucoup plus complexe que notre modèle de départ : il comporte non seulement des variables modératrices, mais aussi des variables médiatrices (les capacités par rapport aux facteurs antécédents), qui ensemble constituent un réseau maillé très dense. Et les compétences clés et l'avantage concurrentiel ne sont obtenus que par et grâce à cette complexité.Les hypothèses tirées de la théorie de la ressource, concernant les relations entre capacités fonctionnelles, compétences clés et avantage concurrentiel sont vérifiées. C'est en se combinant de façon spécifique avec certaines autres ressources bien précises, notamment humaines, que le SI créent les compétences clés. Le SI ne joue pas un rôle moteur en l'occurrence. La création et le soutien de l'AC chez AE est avant tout le résultat des interactions humaines complexes (notamment avec le SI) qui ont eu lieu au sein de la firme depuis dix ans.
